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Artículo de Ouest France: Coronavirus. Les avocats criminels du Chili

Por Magalie Letissier // Contenido publicado en Ouest France

« Olga, 79 ans, doit attendre le camion-citerne pour faire des choses aussi basiques que boire de l’eau », rapporte la télévision chilienne début avril, depuis la commune de Petorca, dans la région centrale de Valparaíso, à 200 km au nord de la capitale Santiago du Chili. Symbole de la guerre de l’eau entre ses 10 000 habitants et des producteurs d’avocats, le village a été déclaré en pénurie d’eau en 2010. Il doit désormais affronter la crise du Covid-19.

Au Chili, où 80 % de l’eau potable est accaparée par l’agro-industrie, Greenpeace estime que 350 000 personnes ne peuvent même pas se laver les mains, conformément aux normes sanitaires. Avec plus de 124 000 tonnes d’avocats récoltés en 2018, le pays andin est l’un des principaux producteurs au monde de cet or vert aux reflets bien sombres. La situation alarmante de la province de Petorca, tristement célèbre pour ses champs d’avocats faisant face à un paysage désertique, a atterri sur la table des Nations unies.

L’économie avant la santé

Le Haut-commissariat aux droits de l’homme, avec à sa tête l’ex-présidente chilienne Michelle Bachelet, a urgé le gouvernement de Sebastián Piñera de « prioriser les droits à l’eau et à la santé avant les intérêts économiques ». La déclaration publiée ce jeudi 20 août 2020 paraît évidente, mais ne coule pas de source pour l’État néolibéral, où les droits d’accès à l’eau ont été progressivement privatisés depuis la dictature de Pinochet (1973-1990).

Dans son communiqué, l’organisation a directement visé un projet de centrale hydroélectrique, au sud-est de la capitale, mais aussi la production d’avocats dans la région de Valparaíso, et notamment à Petorca où « un avocatier (l’arbre, NDLR) consomme trois fois plus d’eau que ce qui est réservé aux habitants ». Pour les experts de l’Onu, « le gouvernement ne respecte pas ses obligations internationales en matière de droits de l’Homme ».

Dans la commune qui connaît sa pire sécheresse depuis 700 ans, selon le Multidisciplinary digital publishing institute, les habitants ont seulement accès à 50 l d’eau par jour, là où l’Onu en recommande 100. Le ministère de la Santé chilien a approuvé le 8 avril une résolution pour s’y conformer. Avant de se raviser huit jours plus tard. « Une décision qui pourrait être illégale au regard du droit international », abonde le Haut-commissariat.

Des avocats jusqu’à plus soif

Là où les habitants de la province de Petorca ont abandonné toute idée de jardin, les parcelles d’avocats fleurissent aux mains d’une poignée de puissantes familles chiliennes, selon la chercheuse de l’Université de Valparaíso, Paola Bolados García, spécialiste des conflits socio-environnementaux. Dans un article de 2008 sur le site d’investigation Ciper, l’universitaire tranche : le manque d’eau à Petorca n’est pas tellement une conséquence naturelle, mais vient plutôt « d’une économie et d’une politique associées à un modèle basé sur l’exportation, propulsé par le régime militaire, qui a été prolongé et approfondi ».

Diego Ibáñez, le député de la zone, a affirmé le 22 avril 2020, dans les colonnes de La Tercera : « C’est davantage un problème de répartition que de manque de ressources et, dans un contexte comme celui-ci, de pandémie et de crise sanitaire, apporter de l’eau à des personnes qui n’ont même pas de quoi se laver les mains est un geste d’humanité et relève du bon sens. » Le média chilien rapporte également qu’1, 7 million de personnes dépendent des livraisons d’eau par camion-citerne dans le pays.

En plus des droits d’exploitation accordés par l’État – qui peuvent s’étendre à trente ans et pour certains indéfiniment —, des drains et forages illégaux sont régulièrement trouvés par des habitants. Des habitants qui se souviennent, émus, de l’époque où les baignades dans le fleuve Petorca étaient possibles. Ce dernier a été déclaré asséché en 1997. La Ligua, le second fleuve de la province à quelques kilomètres au sud, l’a été en 2004.

Après avoir asséché la surface, l’agro-industrie s’est ensuite tournée vers les nappes souterraines pour irriguer ses cultures d’avocats, qui nécessitent entre 7 et 13 000 m³ d’eau par hectare et par an, selon l’Université du Chili, contre un maximum de 5 000 m³ pour un oranger, par exemple. Face à ces données anxiogènes, le rôle de l’État ne peut être minimisé. Selon Ariel Muñoz, chercheur pour le Centre de recherche pour le climat et la résilience, « la moitié du problème de pénurie d’eau peut être résolu par une nouvelle gestion des ressources. »

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